Amal Bourquia
Professeur de néphrologie et dialyse et présidente de l'association marocaine de lutte contre les maladies rénales, REINS.
Amal.bourquia@gmail.com
RAPPEL PHYSIOLOGIQUE
Les reins sont des organes de petite
taille avec de nombreuses fonctions
physiologiques : élimination des
déchets d'épuration, sécrétion des
hormones, régulation de la production
des globules rouges, interviennent
dans l'action d'un certain
médiateurs immunologiques, dans la
stabilité de la tension artérielle...
Dans les conditions normales, le travail
rénal est facilité par l’apport
hydrique, c’est ainsi que plus on
consomme d’eau et plus les reins
fournissent moins d’efforts pour l’élimination
des déchets. A l’inverse,
plus on réduit la consommation
d’eau, plus les reins doivent travailler
plus pour éliminer le maximum de
déchets dans une petite quantité
d’eau et donc concentrer l’urine au
maximum.
PENDANT LE MOIS
DE RAMADAN
Le changement brutal du mode de
vie lors du mois de Ramadan et la
nécessité de se nourrir la nuit entraînent des modifications des habitudes
alimentaires et de l'équilibre alimentaire.
Il en résulte des modifications
du comportement et de la vigilance
ainsi que des variations biologiques.
Il n'existe pas d'études scientifiques
s’intéressant de près à cette problé-
matique. C'est donc à travers les
conséquences possibles que l'on
essaye d'établir ou d'interdire le
jeûne avec le souci permanent d’analyse
du cas par cas, sachant que c’est
surtout les pathologies existantes qui
posent problème.
Le jeûne du Ramadan, du fait de la
privation de boissons et surtout en
période de grandes chaleurs, entraîne la diminution de la filtration glomérulaire
rénale. Les conséquences
peuvent être parfois graves surtout
pour les malades qui s'obstinent à
vouloir jeûner malgré les conseils du
médecin.
Il est à rappeler que les maladies
rénales sont généralement silencieuses
et de nombreux malades
ignorent qu’ils en sont atteints.
MALADIES RÉNALES
ET LE JEUNE
Au cours du mois de Ramadan, ce
sont surtout les pathologies rénales
chroniques qui posent problème.
1- Néphropathie glomérulaire,
interstitielle ou vasculaire
Les patients en phase aiguë de la
maladie doivent s’abstenir de jeuner,
vu le risque de voire s’aggraver la
maladie rénale avec l’apparition d
complications comme une défaillance
rénale.
Pour les néphropathies en rémission,
le jeûne peut être autorisé sous surveillance
médicale et adaptation de
la prise de médicaments, par
exemple, les corticoïdes sont à
prendre le matin juste avant le début
du jeûne (Shor) et non pas lors de la
rupture du jeûne.
Le médecin peut aussi donner des
conseils diététiques pour éviter certains
problèmes de sante.
2- Les lithiases rénales
Le jeûne du ramadan, surtout en été
où les pertes hydriques sont importantes
à cause de la chaleur, peut provoquer
une déshydratation relative de
l’organisme qui peut s’accentuer
pendant les longues journées de
jeûne; les urines sont concentrées
surtout en substances dites lithogènes
comme l’oxalate de calcium,
l’acide urique et les phosphates de
calcium qui sont susceptibles de donner
naissance à des cristaux et à des
calculs urinaires. La concentration
des substances cristallogènes ou
lithogènes dans les urines constitue
un facteur de risque important pour
les patients souffrant d’insuffisance
rénale et pour ceux dont la maladie
est très récidivante. La déshydratation
et la diminution du volume urinaire
représentent des facteurs principaux
pour le développement des
lithiases rénales.
Ramadan induit également une
recrudescence des crises, surtout s’il
fait très chaud, sans pouvoir réellement
se baser sur de études scientifiques
la pratique et les statistiques
notent cette recrudescence. En géné-
ral, les sujets ayant eu des épisodes
de coliques néphrétiques doivent
avoir un apport important de boissons
(eau, jus de fruits) du soir au
shour en évitant les efforts intenses
et l’exposition à la chaleur pendant la
journée du jeûne. Une diurèse de
plus de 2 litres par jour est nécessaire
pour éviter la formation des calculs
rénaux.
Pour les lithiases récidivantes, les
patients sont autorisés à ne pas jeû-
ner d’autant plus que le mois de
Ramadan coïncide avec les longues
journées d’été à forte chaleur
comme c’est le cas ces dernières
années.
Il est conseillé de voir son médecin
avant le mois sacré pour évaluer le
risque lithogène encouru, et à ce propos,
l’étude de la cristallerie, et la
réalisation de bilan lithiasique sanguin
et urinaire permettent d’évalue le risque et de mettre en place les
mesures préventives contre la récidive
même, dans le cas où le patient va
observer le jeûne du Ramadan.
Notons, l’importance de la discussion
au cas par cas avec le médecin
néphrologue.
3- Néphropathie avec perte de sel
Les patients porteurs de pathologie
rénale avec perte de sel obligatoire
comme certaines néphropathies interstitielles,
des stades de la polykystose
rénale, les acidoses tubulaires… qui
nécessitent une compensation réguliè-
re de cette perte ne sont pas autorisés
à jeûner du fait du risque accrue de
déshydratation sévère.
4- Les infections urinaires
La diminution du volume urinaire augmente
le risque d’infection urinaire,
surtout chez les sujets âgés et les
patients présentant des facteurs de
risque d’infection : malformation des
voies urinaires, lithiases rénales.
5- L’insuffisance rénale
Il s’agit d’une des pathologies où le
jeûne peut constituer un danger.
Qu’elle soit aiguë ou chronique, cette
maladie est définie comme étant une
altération de la fonction des reins qui
risque de s’aggraver ou de voir apparaître
des complications.
Le manque d’apport en eau risque
d’entrainer une hypovolémie et par
conséquent, des lésions tubulaires
rénales chez les patients présentant
une insuffisance rénale chronique
avec risque de dégradation de leur
fonction rénale.
L’insuffisance rénale chronique modé-
rée et stable peut permettre le jeûne,
mais à condition qu’il y ait une surveillance
continue. Dès le début de la
période du jeûne, et dès que le niveau
de créatine augmente, le jeûne doit
absolument être interrompu.
6- Les patients insuffisants
rénaux en dialyse
Chez ces patients, il est recommandé
de s'abstenir de jeûner, surtout si le
patient est âgé, anémique, hypertendu
ou avec un risque cardio-vasculaire
élevé.
De manière générale, le jeûne est
interdit en raison de l’état général
souvent altéré, des complicationsfré-
quentes, des besoins en médicaments,
du risque de faire des excès à
la rupture du jeûne, ce qui peut induire
de la surcharge hydro sodée ou
l’hyperkaliémie…
7- Les transplantés rénaux
Ils ne doivent pas jeûner la première
année. Ensuite, tout dépend de leur
état de santé et de la présence ou
non de complications.
De même, l'autorisation du jeûne est
en fonction du type de l'immunosuppression
et du nombre de prises journalières.
Les transplantés sont donc
appelés à suivre leur médecin traitant
et à se plier à ses prescriptions.
CONCLUSION
Il n'existe pas de recommandations
claires concernant le jeûne du mois de
Ramadan chez les néphropathies.
Cependant, l'autorisation du jeûne
doit être formulée par le néphrologue
en fonction de l'état clinique du
patient, de la tolérance et des médicaments
et leurs éventuelles adaptations.
Certaines maladies rénales n'empê-
chent pas de pratiquer le jeûne du
mois sacré de Ramadan. Il y a donc
lieu de ne pas généraliser de procé-
der au cas par cas. Tout doit reposer
sur la décision du médecin traitant et
des conseils qu’il donnera à son
patient, sachant pertinemment que
le praticien cherchera toujours à faciliter
à son malade la pratique du
jeûne tout en procédant à un suivi
rapproché pour éviter tout risque
éventuel.
CONSEILS POUR LA PRÉVENTION DES COMPLICATIONS RÉNALES
En pratique, il est toujours important
de considérer l'évolution de la maladie.
Pour les personnes souffrant d'insuffisance
rénale ou les dialysés, il est
fortement déconseillé d'observer le
jeûne.
Pour ménager les reins pendant le
jeune il est conseillé :
• De ne pas pratiquer du sport avantla
rupture du jeûne.
• De ne pas abuser des médicaments,
tous toxiques pour le rein surtout en
situation de déshydratation. Les gens
ont tendance à consommer le paracé-
tamol et les anti-inflammatoires pour
des céphalées. Attention également
aux décoctions traditionnelles à base
d'herbes et aux intoxications alimentaires
sur le long terme. Il importe de
manger équilibré et de boire suffisamment.
• Une prudence pourlessujets de plus
de 70 ans, plus exposé à la déshydratation
car ils ont moins d'appétît,
prennent des médicaments ayant un
effet diurétique et souffrent d'incontinence
urinaire..
• Boire suffisamment d’eau, en particulier
les personnes souffrant de
lithiase. Il faut boire plus de deux litres
d’eau par jour, les urines doivent être
toujours abondantes et claires. Même
pendant la nuit, il est conseillé de
boire beaucoup de liquides
• Réduire la consommation du café et
du thé.
• Réduire la consommation en sel.
• Diminuer les apports en protéines
animales : ne pas dépasser 1 g/kg de
poids corporel, éviter les abats, les
sardines, les crustacés…
• Eviter les aliments riches en oxalate,
comme le chocolat noir, lesfruitssecs,
les épinards, les betteraves…
• Équilibrer les apports en calcium
entre 800 et 100 mg/jour et les suppléments
en calcium et en vitamine D
sans avis médical.
• Consommer les fruits et les légumes.
• Ne pas attendre le déclenchement
des manifestations pour vérifier l’état
des reins. Les reins souffrent d'abord
en silence avant de manifester des
signes de maladie. Dans tous les cas, la
décision de jeûner ou non doit être
prise avec le néphrologue traitant.
Le rôle du médecin reste décisif en ce
mois, précisément puisque c’est lui qui
juge si oui ou non le patient peut béné-
ficier d’un aménagement thérapeutique
lui permettant de jeûner.
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EVITER LES PROBLÈMES RÉNAUX PENDANT LE MOIS DE RAMADAN
EVITER LES PROBLÈMES RÉNAUX PENDANT LE MOIS DE RAMADANeau du maroc 04:43:00