Que se passe-t-il ? ». Il continue ainsi : « Les deux nations, le Brésil et les États-Unis, possèdent un cinquième des réserves d’eau douce dans le monde, et pourtant les deux sont confrontés à la crise de l’eau historique. Après deux ans de saisons des pluies insuffisantes, les 20 millions d’habitants de la région métropolitaine de São Paulo, la plus grande ville des Amériques, connaissent des interruptions intermittentes dans la fourniture de l’eau et pourrait voir le rationnement ou même des livraisons de l’eau par camion au cours des prochaines années. En Californie, le gouverneur Jerry Brown a ordonné des réductions de consommation qui pourraient affecter les 39 millions d’habitants de l’Etat. C’est le premier rationnement à travers l’état dans l’histoire du Golden State ».
On évalue à 40 000 millions de km3/an, les ressources mondiales en eau douce renouvelable (pluie – évapotranspiration – évaporation), ce qui équivaut à 5 700 m3 par habitant et par an. Neuf pays « géants » de l’eau, dont le Brésil fait partie, se partagent près de 60 % des ressources naturelles renouvelables d’eau douce du monde. Leurs richesses se calculent en milliers de milliards de m3 par an (ou km3) par an.
Les pays riches en eau
Pays Précipitation Ressources totales Indice/tête
moyenne 1961-1990 (km3/an) (m3/an)
(km3/an)
Brésil 15 236 8 233 31 795
Russie 7 855 4 507 29 642
Canada 5 352 2 902 92 662
Indonésie 5 147 2 838 13 381
Chine 5 995 2 830 2 245
États-Unis 5 800 2 701 7 193
Inde 3 559 1 897 1 249
http://www.fao.org/docrep/005/y4473e/y4473e08.htm
À l’opposé un tiers de la population mondiale est privé d’eau potable. 1,1 milliard de personnes réparties dans 80 pays, n’ont pas accès à une eau salubre, et voient leur développement entravé par ce problème Dans certains pays, moins de 40 % de la population a accès à l’eau potable. C’est le cas du Cambodge, du Tchad, de l’Éthiopie, de la Mauritanie, de l’Afghanistan et d’Oman[2].
Source : FAO, Nation unies, World Resources Institute (WRI) Copyright © 2008, United Nations Environment Programme &Philippe Rekacewicz (Le Monde diplomatique)
Comme le note F. Boudier, Le Brésil dispose de ressources hydriques colossales, notamment grâce à l’Amazone : pour l’ensemble du bassin amazonien, incluant la contribution des pays d’amont, on estime que la disponibilité d’eaux superficielles est d’environ 251 000 m3/s. Si l’on ne compte que la contribution du territoire brésilien, elle est encore de 180 000 m3/. Mais la richesse hydrologique est répartie de façon inégale : 70% en Amazonie, région où vit moins de 7 % de la population, 15% dans le Centre-Ouest, 6% dans le Sud et le Sud-Est et à peine 3% dans le Nordeste.
Si l’on s’en tient au classement de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) relatif à la disponibilité hydrique par habitant des régions du monde (qui distingue régions d’abondance, intermédiaires et en situation critique), au Brésil, tous les États de la région Nord sont classés dans les régions d’abondance, le Roraima arrivant même à l’incroyable chiffre de 1,7 milliard de m3/personne/an. L’État de Bahia, dont l’approvisionnement est légèrement supérieur à 2 500 m3/personne/an, arrive à avoir d’avantage d’eau que l’État de São Paulo car il bénéficie de l’apport du fleuve São Francisco. La situation des autres États nordestins (Sergipe, Alagoas, Pernambuco, Paraíba, Rio Grande do Norte et Ceará) est préoccupante avec un approvisionnement inférieur à 2 500 m3/personne/an.
Un bon indicateur des ressources en eau est le débit moyen des cours d’eau, qui varie de 7,6 à 52,6 litres/seconde/m2, respectivement dans le « polygone des sécheresses » et dans l’extrême Nord-Ouest de l’Amazonie, à la frontière de la Colombie. Dans l’ensemble le Nord et l’Ouest du pays disposent de ressources bien supérieures à celles du Centre-Sud, la partie la plus peuplée du pays, et ici encore les minimums se situent dans le Nordeste. On notera toutefois que si l’on ramène ces totaux à la disponibilité en mètres cubes par habitant et par an, certaines régions très peuplées, comme l’axe du Tietê, dans l’État de São Paulo, ont une situation aussi critique que celle de régions du Nordeste semi-aride. De toute évidence le facteur population pèse au moins aussi lourd dans la formule que le facteur eau disponible, et malgré le bilan globalement favorable du Brésil quelques régions urbaines auront quelques soucis dans les années à venir, en termes de quantité d’eau et plus encore de qualité.
Figure 1 Les eaux du Brésil


Figure 3 Potentiel et utilisation de bassins hydroélectriques

Figure Le système hydroélectrique

Des lignes à haute tension ont déjà été tirées depuis la centrale amazonienne de Tucuruí, ce qui a permis de mailler davantage le réseau nordestin. Dans le même temps, une ligne à haute tension a été tirée vers la Transamazonienne, ce qui a permis de pousser vers l’ouest un pseudopode du réseau interconnecté, symétrique de celui qui avance année après année vers le Nord du Mato Grosso. Mais le véritable enjeu est de mettre en valeur les potentiels de l’axe de l’Araguaia-Tocantins, qui suit à peu près le tracé de la route Belém – Brasília.
C’est donc pour satisfaire les besoins du Nordeste et surtout ceux, infiniment plus grands, du Sudeste, qu’a été entreprise la construction d’une série de barrages et de lignes de transmission sur l’axe Araguaia-Tocantins et plus récemment sur le Madeira. Utilisant les ressources propres de ces fleuves et de leurs affluents, qui sont loin d’être négligeables, cet axe alimentera des lignes qui partiront vers l’est (droit vers Salvador), et sans doute à terme vers l’ouest (et les besoins non satisfaits des régions pionnières du sud-est du Pará et du nord-est du Mato Grosso). Mais surtout ces aménagements seront l’occasion de tirer des lignes à haute et très haute tension vers le nord et le sud, et ce faisant de constituer une liaison nord-sud qui mettra en relation les principales régions du pays. C’est un enjeu considérable, et cet axe est appelé à devenir la colonne vertébrale de l’interconnexion du pays, reliant les principales régions productrices et consommatrices entre elles et plus encore avec les ressources immenses et sous-utilisées du bassin amazonien, la grande frontière énergétique du pays, principalement au bénéfice de São Paulo , qui « boit » ainsi indirectement les eaux de l’Amazone.
[1] Rob Curran, 2015, http://fortune.com/2015/04/06/brazil-california-water-crisis-drought/
[2] http://www.cieau.com/les-ressources-en-eau/dans-le-monde/ressources-en-eau-monde